Lui tenir la main

tenir sa main

Elle avait passé 60 ans de mariage avec lui. Les 8 dernières années, à demi-consciente, sa mémoire étant resté en ce jour où il s’était coupé la main avec une tronçonneuse. Depuis ce jour là, son esprit était resté obnubilé par son mari « Où est Pierre? Qu’est-ce qu’il fait? Qu’est-ce que je peux faire pour lui? ». Son esprit était tellement accaparé par son mari qu’elle n’était plus capable d’imprimer quoique ce soit. Sa mémoire était en pause. Quand elle vous parlait, elle pouvait vous poser 3 fois la même question d’affiler, sur le même ton, sans se souvenir de la réponse que vous lui aviez dites. Et bien sûr, si vous lui faisiez remarquer qu’elle avait déjà posé la même question, vous aviez 1 chance sur 2 de vous faire envoyer sur les roses. Sa mémoire filait… mais pas son caractère!

Lui s’agaçait de cette situation. Cette femme avec qui il avait vécu pendant 60 ans, avec qui il avait eu 2 enfants, l’agaçait. Elle vérifiait où il était. Elle faisait tout en fonction de lui. Elle s’assurait qu’il prenne ses médicaments. Elle lui apportait son repas… même dans la chambre s’il ne s’était pas lever. Car il déprimait. Il faisait ce qu’on appelle la dépression de la personne âgée. Il ne voulait plus se lever. Il avait toujours dit qu’au delà de 75 ans , on faisait du rab.

Et puis, il y a 3 ans, elle fût opérée en urgence d’une hernie digestive qui avait perforée. Elle était passée à 2 doigts d’y rester. Lui, habituellement si impassible, le patriarche qui ne montrait qu’une façade, lui a dit en la voyant sur son lit d’hôpital  » te voilà mal en point ». Tous les 2/3 jours, on le conduisait à son chevet.

Leur maison n’étant pas du tout adapté à la rééducation après l’opération qui fût un succès, ils furent placé tous les 2 en maison de retraite non loin de leur famille.  Là, pendant que sa femme se remettait, lui reprit goût à la vie. Le personnel s’assurait qu’il prenne ses médicaments. Il avait repris un vrai rythme dans sa journée. Ils étaient dans 2 chambres séparées par manque de chambre double mais il semblait évident que ça leur allait très bien. Enfin surtout à lui… Il était enfin libre. Elle n’était plus tout le temps sur son dos car d’un naturel sociable, elle participait aux activités proposées. Lui pouvait pendant ce temps être pénard dans sa chambre à regarder la TV. Cela étonnait d’ailleurs tout le monde, il n’avait jamais été comme cela.

Vînt ce matin d’août, où il se leva de bonne heure comme à son habitude. Il alla faire sa toilette et ne parvint pas à regagner son lit. La grande faucheuse l’avait arrêté avant. Le personnel de la maison de retraite l’avait retrouver à terre, entre le cabinet de toilette et son lit.

Passé le choc de l’annonce, la famille ne savait pas si elle allait imprimer qu’il n’était plus là. Et puis, il avait été son moteur, avait accaparé son esprit pendant tellement de temps. Allait-elle comprendre?

Le jour de la cérémonie, elle semblait perdue. Il semblait évident qu’elle avait compris mais elle passait de la joie de voir la famille à la réalité de la raison de ce rassemblement familial.

Durant la cérémonie, ses enfants prirent la parole. Ils rendirent hommage à leur père comme il se doit. L’émotion était forte dans cette petite église.

Et puis, bizarrement, alors qu’elle n’avait pas été seule de toute la cérémonie, pendant que son fils et sa fille accusaient le coup, je la vis perdue , seule sur son banc. Alors je l’ai rejointe pour qu’elle se sente rassurée.

Car elle…c’est ma grand-mère…

Lui… c’était mon papy…

Il nous a quitté en août dernier mais j’ai toujours cette impression que c’était hier que je prenais les mains de ma grand-mère en lui disant « je suis là mamie, ça va aller ».

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7 Comments

Ajoutez les vôtres
  1. 7
    Maman est en blouse blanche

    C’est tellement touchant, tu m’as donné les larmes aux yeux. J’ai toujours vecu loin de mes grands parents avec qui je n’ai jamais tissé de lien. J’essaye de faire en sorte que mes enfants construisent quelque chose de fort avec les leurs. J’espère que ta grande mère à pu passer le cap.

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